Autant le dire franco, je ne suis pas du genre nuancée …au grand désespoir de mon entourage qui y voit un reliquat d’une adolescence mal digérée ! Le gris ne fait pas parti de mon panel au même titre que les adjectifs  « pondéré », « mesuré » ou « tempéré » n’ont pas été identifiés dans mon patrimoine génétique…

Si j’avais réussi en tant qu’expat, à avoir une autre vue que celle des Arènes de Lutèce, avaler du pain de Carrefour et accepter une atrophie de la partie charnue et autrefois musclée située entre mon jarret et mon tendon d’Achille (faute d’avoir du matin au soir mon fessier posé dans mon RAV 4), je pourrais aisément  déjouer les pièges du touriste lambda…

C’est donc forte d’une nouvelle certitude, en mode « Le monde est ma maison » que je m’envolais avec Florent vers Singapour, avec dans ma valise toutes les bonnes adresses distillées par ma prof d’anglais singapourienne !
A nous la petite semaine tranquillou, reposante et dépaysante …

Départ un peu rude : décollage à 3 heures du matin… qu’à cela ne tienne, un voyage sans avoir à s’occuper de deux enfants en bas âge qui veulent simultanément des films différents ou qui me demandent toutes les 5 minutes de me transformer en contorsionniste du cirque Bouglione pour récupérer les doudous, tétines, une joue collée au catalogue Dutty free, l’autre aux orteils sans chaussette du voisin de fauteuil, ne pouvait être complètement raté…

Florent décida donc d’optimiser la night et s’enquilla un Martini en guise de petit déjeuner avant le décollage …quelques heures plus tard alors que je sortais d’un sommeil non réparateur,

je le vis secouer ses deux membres supérieurs, en transe, comme envouté après l’absorption de décoctions de racines…

Le temps de réaliser que je n’étais ni dans un rêve, ni dans une party de Crazy signs autour d’une piscine du Club Med…il me fit part avec un débit à la mitraillette qu’il était en train de tourner de l’œil, surement lié au mélange de l’alcool et de l’altitude… et sans que je n’ai eu le temps de réaliser il s’allongea et colla ses deux pieds sur mon écran,  histoire de faire circuler le sang…

Après un rapide tour à l’hôtel, curieux et soucieux de nous intégrer rapidement aux coutumes locales, nous décidions de suivre les conseils de ma prof et de déguster leurs fameux Spicy Crabs !

Une fois le resto enfin trouvé (à Singapour, les chauffeurs de taxi connaissent aussi bien la ville, que moi, la « détermination de la structure de réseau bayésiens dynamiques non stationnaires » !)

On nous installa et très rapidement en guise de bienvenue on nous accrocha un bavoir XXL, avec un énorme crabe orange ! Deux minutes plus tard, une serveuse apporta une cape pour couvrir le dossier de la chaise et mon sac à main…

je pensais aller au resto, pas à une partie de Paint ball …

Le ton était donné : le combat allait être rude…


Au moment de la commande on se risqua à la question bête, vous savez cette question complètement conne dont on connait la réponse mais dont on espère toujours une réponse plus douce…du genre :

« Les contractions ça fait vraiment mal ??? »…  « J’ai perdu ma carte bleue accompagnée d’un Post it avec le code, c’est grave ??? »…  «Je ne ferme plus mon pantalon, tu crois que j’ai grossi ??? »

Bref, nous osions demander si la sauce était « très épicée » ou « moyennement épicée ? »… ce à quoi

la serveuse,l’air goguenard de celle qui fait pour la 120 ième fois le coup du coussin péteur, nous répondait «  Medium » !

Alors que nous hésitions, elle daigna tout de même nous mettre en garde, le Spicy conviendrait mieux à nos frileux palets, le Peper crab étant réservés aux initiés !
Heureux de nous lancer dans une nouvelle aventure, nous vîmes arriver le crabe dans sa baignoire de sauce pimentée …à côté de celui-ci, ils disposèrent un arsenal d’armes blanches, des beignets de crevettes (complément de notre commande) et un bol assez grand d’une sauce orangée…

Lorsque Florent voulu commencer par boire ce qui ressemblait à un bol de soupe, la serveuse, amusée l’interrompit …alors si ce n’était du bouillon, il s’agissait surement d’une sauce pour les crevettes et lorsque   j’accompagnais ma pensée par le geste…Florent me stoppa net en m’informant qu’il s’agissait du rince doigts !
 Deux conneries, la balle au centre, nous étions prêts à en découdre avec Spicy Crab…

Commença alors une guerre sans merci…Florent utilisant tous les ustensiles mis à disposition pour dépecer ce pauvre crustacé marin à 10 pattes ! C’est à ce moment précis que je compris l’intérêt des housses…Je poursuivis l’expérience en avalant la chair…et là, les termes «  subjectivité » ou «  différence d’appréciation » prirent tous leurs sens !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Je me brulais la bouche, l’œsophage, l’ intestin ( et ses terminaisons)…dire que j’étais en feu était un euphémisme…ma bouche était en pleine ébullition…

j’avais l’impression que l’on m’avait injecté un sceau d’acide hyaluronique dans les lèvres…

J’étais à deux doigts d’avaler le rince doigts ou de tremper ma tête dans le sceau à glaçons…c’est couverts de sauce et en pleine combustion que nous nous mirent à la recherche d’un lavabo, les serviettes étant visiblement en option …nous finirent la soirée dans le resto d’en face en dégustant une glace Ben and Jerry’s histoire de nous « désembraser » !

Ma prof nous avait également  vivement recommandé de tester dans le quartier de Chinatown leur fierté culinaire le «Chicken Rice ».Toujours disposés à embrasser à bras le corps les coutumes locales, nous nous sommes rendus dans ces espèces de halles remplies de «hawkers»
En clair, dans une espèce de hangar couvert, des stands en enfilade avec des tables (leurs baraques à frites à eux quoi !) Là, elle nous avait spécifiquement donné le nom de l’un d’entre eux…et je vous le donne en mille, c’était le seul où il y avait une queue de 3 kilomètres de long…on est touriste ou on ne l’est pas…lorsqu’arriva notre tour, on nous donna un bol de riz tout droit sorti d’une poubelle ( véridique) et pardessus la serveuse nous colla une morceau de poulet bouilli, une fourchette en plastique et roule ma poule au suivant…dubitatifs, nous fumes bien obligés une fois assis sous le regard des locaux de nous lancer dans une joute d’onomatopée plus sonores les unes que les autres : «  hummm » «  whaaaaah » «  rohhhhhh » «  whouuuuu » !!!!!!!
En vérité, à coté notre poule au pot ferait figure de chef d’œuvre culinaire (oui l’expat est chauvin, aussi)

Le soir suivant, en sortant de l’hôtel où nous avions pris l’apéro, j’encourageais Florent à prendre le moyen de locomotion que nous proposait un petit monsieur plutôt que le taxi pour regagner le restaurant…Florent pas très chaud, finit pas céder face à mes arguments d’une pertinence imparable :

 « Allez, c’est drôle, c’est le genre de truc que l’on fait que lorsqu’ on est touriste (tu m’étonnes… !!!!) En plus ça lui fera un peu d’argent (tu m’étonnes !!!!) »
Et nous voilà ni une, ni deux dans une espèce de charrette à deux roues fixée sur le côté à un vélo ! A peine installée, je culpabilisais déjà de voir ce monsieur de 75 ans tout maigrelet devant pédaler pour transporter deux européens bien nourris…

Cet homme qui ressemblait plus à un petit oiseau dénutri, avec sa houppette en l’air, qu’à un  Lance Armstrong dopé à la testostérone…

peinait sur ses deux jambes pour faire avancer le carrosse…j’avais des remords et encourageais dès le départ Florent a laisser un gros pourboire…il stoppait toutes les deux minutes devant «des monuments»  pour nous prendre en photo…lui permettant sans doute de respirer et de légitimer ce qui allait être une addition salée !

Moi , j’étais hilare, je trouvais la situation peu commune…

il est vrai que faire le trajet sur un traineau tiré par des escargots drogués au Xanax aurait été plus rapide!

…une fois arrivés dans Chinatown ( à 200 mètres du départ !), il nous expliqua ne pas pourvoir rentrer dans ce quartier avec son bolide mais que notre destination se situait  la rue suivante…Après une dernière photo en compagnie de mon nouvel ami, je laissais Florent régler la note…70 euros ! J’ai cru qu’il allait commettre un double homicide : le premier en tuant celui qui l’avait pris pour un pigeon et le deuxième en éliminant celle qui le faisait passer pour un naïf voyageur ! Petit bonus : nous avons dû reprendre un taxi pour trouver le resto qui se situait à plusieurs kilomètres !!!!!!  Force est de constater que le prix du mètre à Singapour n’est pas donné 😉

Moralité : Quoique que l’on ait pu vivre ou faire
L’expat reste, un touriste ordinaire 😉
 

2 Comments on Journal 26 : l’expat, un touriste ordinaire!

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